Tous les articles par unclebendw

Rendez-vous en plein ciel

Comme tout le monde, je retiens mon souffle pendant les dernières secondes du compte-à-rebours. Ca y est, Thomas Pesquet est en route vers les étoiles. Applaudissements ! Les commentateurs détaillent la vitesse et l’altitude de cette trajectoire parfaite, ainsi que le largage successif des étages de la fusée. L’oreille tendue vers mon autoradio, je reste attentif à contrôler mon véhicule sur la trajectoire plus modeste mais néanmoins parfaite qui de ronds-points en ronds-points me conduit vers ma destination.

J’écoute l’ancienne spationaute Claudie Haigneré nous partager ses émotions et le vécu de ces héros de l’aventure spatiale. L’arrivée en état d’apesanteur marque le succès de l’opération de mise en orbite. Après des minutes d’accélérations éprouvantes, les astronautes peuvent enfin se détendre et savourer la vue sur la Terre depuis l’espace, à travers le hublot de leur capsule.

Je pense à ces hommes et femmes perdus dans l’immensité glacée de l’espace, et me vient à l’idée qu’un véritable état d’apesanteur m’attend moi aussi au bout de mon trajet en voiture. Ils se retrouvent isolés du monde, protégés d’un environnement hostile par quelques millimètres de tôle et des sommets de technologie, et naviguent en plein ciel pour une mission de rendez-vous spatial. De mon côté, je me hâte vers le couvent des Dominicains, où m’attend un rendez-vous en plein ciel, source et sommet de la vie chrétienne, dans un environnement de douceur et de bienveillance : la messe quotidienne.

Ces astronautes réalisent un véritable exploit, et contribuent à élever l’humanité, à la conduire plus loin, à l’élever vers les étoiles non seulement par les progrès scientifiques qu’ils rendent possibles, mais par le rêve de dépassement qu’ils communiquent aux hommes. Et lorsque je me hasarde à dire qu’ils sont isolés du monde et perdus dans l’espace, ce n’est qu’une illusion : ils sont en relation avec des centaines d’hommes et de femmes qui sur terre contribuent à leur mission. Ils sont en relations avec la terre entière dont ils sont les ambassadeurs dans le poste avancé de l’ISS, aux confins des conquêtes humaines.

Et me voici devant le Saint Sacrement. Dieu se rend présent sur l’autel. La Terre et le Ciel, l’humanité et la divinité, ont rendez-vous dans ce petit morceau de pain, blanc et rond comme une pleine lune. Je n’arrête pas de demander au Seigneur de me décrocher la Lune, et le voilà qui vient, en personne, se déposer au creux de ma main. Ce petit morceau de pain, c’est le corps du Christ, c’est l’Eglise tout entière à laquelle je m’unis. Un rendez-vous quotidien avec un Dieu dont l’amour abolit les distances, auquel nous sommes conviés par une communauté de milliards d’hommes et de femmes qui à travers les âges portent l’amour de Dieu au monde entier. Et chaque fois que je communie à ce sacrement, je laisse Dieu élever mon âme vers Lui, et dans ce mouvement, humblement, je contribue à élever l’humanité vers Dieu.

C’est pourquoi au terme de ce voyage immobile, je me sens si proche à la fois de ces valeureux astronautes, et à la fois de tous ces moines, moniales, religieux, religieuses, aventuriers de Dieu, qui loin d’être isolés dans leurs couvents, portent l’humanité entière aux confins de la vie spirituelle, pour nous tracer la route et nous communiquer un peu plus le désir de nous rapprocher de ce Dieu qui nous aime et désire notre rencontre.

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Émotion créatrice

On dit souvent qu’il existe cinq émotions fondamentales : la joie, la colère, la peur, la tristesse et le dégoût. Ces cinq émotions peuvent se combiner et se décliner en une infinité de variantes, de nuances, comme une palette de couleurs révélatrices de nos états d’âme. Les émotions sont un langage de notre âme que nous devons découvrir et comprendre, car elles recèlent la clé de notre bonheur, qui passe par la connaissance de nous-même.

Or de même qu’il arrive parfois qu’au détour d’un sentier, s’ouvre à nos yeux un paysage teinté de couleurs nouvelles, ainsi des circonstances de la vie qui éveillent nos états d’âme et nous révèlent à nous-mêmes.

Ce matin, après la lecture publique d’un texte magnifique, j’ai pris conscience que j’avais ressenti une émotion bien différente et bien plus forte que ce que l’on met souvent sous le terme de joie. Je m’étais laissé habiter par ce texte, et la profondeur des paroles rejoignant ma profondeur intérieure, j’avais mis toute ma sensibilité et ma conviction dans la proclamation. J’avais ressenti l’harmonie qui m’unissait à l’auteur du texte, mais aussi à tout l’auditoire touché comme moi par ces paroles. Je me sentais vibrer intérieurement, transporté par la lecture des derniers mots. Je ne trouvais pas de qualificatif traduisant cette émotion, et à la réflexion, ce qui s’en rapprocherait le plus est l’exultation, ou l’enthousiasme.

D’autres circonstances permettent de ressentir une exultation similaire : faire chanter une assemblée, emportée dans un même élan d’harmonie et de beauté; interpréter une œuvre musicale avec toute sa sensibilité, vibrant intérieurement à l’unisson de l’instrument ; mettre la dernière touche à une peinture traduisant notre perception intérieure ; partager par un écrit ce qui habite le secret de notre cœur. Cette joie particulière, elle n’est pas réservée à l’artiste devant son œuvre. On peut la connaître face au sourire rayonnant d’une personne réconfortée, ou encore dans l’effort consenti pour une cause qui nous dépasse. Elle est d’une nature comparable à celle de la mère venant de mettre au monde son enfant.

Car cette exultation intense et profonde, c’est celle d’une double naissance. C’est à la fois la naissance d’une œuvre et la naissance de son auteur. La mère met son enfant au monde, mais l’enfant accomplit le destin de la femme devenue mère. Le tableau fait le peintre autant que le peintre fait le tableau. En s’associant personnellement à la création, l’homme s’accomplit lui-même, et cet acte créateur est marqué d’une joie incomparable, comme sacrée : un enthousiasme au sens étymologique, une joie d’inspiration divine.

Que l’on perçoive cette co-création comme un prolongement de l’élan vital de la nature, ou comme une participation à l’œuvre du Créateur, ce que marque l’émotion profonde qui accompagne l’action créatrice, c’est la réponse profonde à la vocation de toute vie humaine. Rien ne nous rend plus heureux que de créer à notre tour, qu’il s’agisse d’une œuvre esthétique, d’une joie partagée, d’un supplément de vie, que ce soit dans l’ordre naturel ou spirituel.

Il y a plus de joie à donner qu’à recevoir.

Dans le contexte de notre société contemporaine, je l’exprimerais comme : il y a plus de joie à créer qu’à consommer.

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Une humanité connectée… mais à quoi ?

Les nouvelles technologies nous promettent un avenir radieux où l’homme par sa créativité, sa capacité d’adaptation et son intelligence, aura su compenser les imperfections de la nature pour prendre en main son destin. L’homme, animal social, adaptable et communiquant, ainsi renouvelé par la science, pourrait alors réaliser pleinement Continuer la lecture de Une humanité connectée… mais à quoi ? 

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Le laïcisme est-il la réponse à l’islamisme ?

L’islamisme radical qui est venu massacrer nos proches et nos familles jusque sur notre sol, a proclamé agir contre « la bannière de la croix ». Il ne fait aucun doute que, pour nos agresseurs, c’est l’identité chrétienne de notre nation qui en fait une cible. Lorsqu’ils ajoutent la référence aux « croisés », ils projettent sur le conflit du Proche-Orient une interprétation clairement religieuse. Pour beaucoup, la cause est entendue : on se massacre au nom de Dieu, et les religions sont irrémédiablement une cause de violence. Continuer la lecture de Le laïcisme est-il la réponse à l’islamisme ? 

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Que faire de notre colère ?

La vague d’émotions consécutive aux attentats de Paris, et qui submerge depuis deux jours les réseaux sociaux, laisse s’exprimer tour à tour la stupeur, l’indignation et la colère. Cette colère est juste et doit pouvoir s’exprimer : colère contre la violence aveugle et contre ses auteurs, colère envers les erreurs et indécisions qui ont pu permettre ce drame, colère surtout contre l’inexplicable, l’injuste fatalité qui a frappé au hasard des innocents. Continuer la lecture de Que faire de notre colère ? 

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Obéissance, liberté et totalitarisme

Nous avons appris à nous méfier de l’obéissance, pour nous prémunir de la dictature. Après tout, lors du procès de Nuremberg, tous les bourreaux du régime nazi n’affirmaient-il pas qu’ils obéissaient aux ordres ? On serait presque tentés d’en conclure que la désobéissance est une condition de la liberté. Continuer la lecture de Obéissance, liberté et totalitarisme 

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